
___ Même Bill ne peut rien faire. Il ne peut pas m'aider. Il ne peut que me regarder et me faire comprendre qu'il est là, tout près.
___ Le moment où tu vas ouvrir cette porte se rapproche. L'attente.
___ Le temps nous a été bénéfique Tom. Le temps a permis des miracles, à sauver nos vies. Il a atténué des cicatrices, les a pansées soigneusement. Le temps était avec nous, de notre côté. Te souviens-tu ? Mais le temps est mauvais pour nous dans cette période de tension. Le temps détruit notre amour. Il rouvre certaines blessures, les laisse à l'air libre. Aujourd'hui le temps est contre nous, il ne nous aide plus.
___ Les jours ont défilé à une vitesse tellement lente que, parfois, je m'en voulais d'être partie aussi vite. Chaque minute qui passait m'éloignait de toi, mais me rapprocher de nos retrouvailles que j'attendais, impatiente. Il était devenu difficile de chasser l'ennui de ces longues journées interminables. Le vide qui régnait dans mon c½ur me tiraillait la poitrine. J'avais tellement mal et tellement honte qu'il m'était impossible de dormir dans notre chambre, je m'allongeais alors, chaque soir, sur le canapé, attendant que le sommeil vienne prendre possession de mon être. Je n'allumais que rarement la télévision, par peur de tomber malencontreusement sur une émission concernant, de près ou de loin, ton groupe et l'hystérie que vous provoquiez partout où vous passiez. De même pour la radio, cela me ferait bien trop de mal.
___ Tu me manques, Tom. Tu me manques tellement qu'il m'arrive parfois de t'apercevoir dans l'ombre du contre jour, accoudé à la fenêtre en train d'épier le jardin. Tu me manques tellement que je ne sens plus les larmes couler sur mes joues, que je ne ressens plus ce mal de ventre infernal qui a pris totale possession de mon corps. À croire que toute cette douleur fait partie de moi, maintenant.
___ Je crois que tu ne comprends pas et que tu ne comprendras jamais ce que je ressens pour toi. Un amour tellement indescriptible, tellement destructeur, tellement fort que je ne saurai le décrire à la perfection. Je sais d'avance que tu ne te rendras jamais compte de la force de mes sentiments, de la brutalité de mon amour, de la vitesse à laquelle bat mon c½ur quand je te vois. Je pense que tu ne te rendras jamais vraiment compte de l'importance que tu as dans ma vie, de la façon dont je t'idéalise, oubli tes défauts, met en avant tes qualités ; de cette putain de façon que j'ai d'être autant dépendante de toi. Malgré tout ce que j'ai pu faire, malgré la distance, malgré mon départ, je t'aime, Tom. Je t'aime comme un c½ur ne peut aimer qu'une seule fois. Avec une telle force, une telle violence, une telle intensité que cela me bousille de l'intérieur, que la souffrance se fait parfois insupportable. Mais tout cela, je le surmonte, grâce à toi, pour toi, pour nous.
___ À ma grande surprise, c'est Bill qui m'a appelé le premier après mon départ, et c'est lui qui continue de le faire sans que je le lui demande, comme ça, sans raison, en cachette, pour me donner de tes nouvelles.
- Je sais.
- Tu pourrais revenir.
- Je sais.
- Il dors avec ton t-shirt, celui que tu as oublié.
- Je sais.
- Je sais.
- La maison est vide, sans vous.
- Je sais.
- Je n'allume pas la radio, et encore moins la télévision.
- Je sais.
- Il n'y a pas de quoi.
- Vous êtes vraiment allés dans tous ces pays ?
- Oui.
- Cela doit être fatiguant, non ?
- Oui, mais on n'a pas vraiment le temps de se plaindre, à vrai dire.
- Toujours Wendy.
- Ah ?
- Il me dit que tu lui manques, qu'il t'aime un peu plus chaque jour qui vous sépare. Que ne plus t'avoir à ses côtés lui tiraille l'estomac, qu'il lui est difficile de ne pas pleurer quand il se retrouve seul dans sa chambre. Il me chuchote qu'il aimerait arrêter la musique pour te rejoindre mais qu'il ne le fera pas car il sait que ce n'est pas ce que tu veux. Il m'assure que tout va très bien quand je lui demande s'il a besoin de parler, mais baisse le regard et me raconte certains moments que vous avez passés ensemble, dans le passé. Il m'avoue qu'il savait qu'un jour où l'autre tu partirais sans vraiment le quitter, mais qu'il ne pensait pas que ce serait si vite. Il me demande souvent si j'ai de tes nouvelles mais je ne dis jamais plus que « elle va bien ». Il me dit souvent qu'il appréhende vos retrouvailles, qu'il a peur de ce que vous allez devenir.
- Pas vraiment. Je veux dire, pas énormément. Il s'éloigne un peu, reste dans sa chambre aux moment des repas. Il ne sourit pas autant qu'avant, ne rigole que très peu au blagues de Georg. Il regarde sans cesse son téléphone, je pense pour savoir s'il a reçu un message de ta part. Il s'efforce de rester le même sur scène, mais je vois que c'est quelque chose de vraiment difficile pour lui. Sinon...
___L'attente se fait longue. Seulement, je sais par habitude que vous mettez du temps avant de venir manger, soit parce que vous rigolez ensemble à propos d'un connerie idiote que Georg vient de sortir, soit parce que vous parlez affaire avec David.
___ Je vois Georg descendre l'escalier, suivit de près par Gustav, riant au éclat. Ils s'assoient à une table que je ne peux pas voir distinctement, trop loin, trop cachée. Mais où es-tu, Tom ? Et où est Bill ? Puis, le temps d'une seconde, l'atmosphère se fait plus pesante, et je sais. Je sais que tu arrives. Mon regard se pose sur toi à la minute où ton pied se pose sur la dernière marche, et je ne te lâche pas des yeux, suivant chacun de tes mouvements attentivement. Bill te suit de près, et à ma grande surprise, vous ne vous êtes pas assis à la même table que nos amis.
___ Je suis cachée derrière mon magazine, que je trouve d'ailleurs inintéressant, et j'essaye d'entendre quelques morceaux de votre conversation. Je distinge quelques blagues, quelques projets pour une tournée future, quelques idées de chansons, aussi. Puis vous vous êtes mis à parler de moi. Tu as une petite voix, ce soir, Tom. Je ne t'entends pas, je ne peux que comprendre ce que dit Bill.
___ Je t'ai souvent dit haut et fort que je ne pouvais pas pleinement vivre, quand tu étais à mes côtés. Mais le plus paradoxal dans tout cela, est que je ne peux pas pleinement vivre non plus si je suis loin de toi.
___ J'aurai aimé parler à Bill. Parce que je crois qu'il est le seul lien qui me relie à toi. J'avais trouvé mon remède à ma douleur, mon sparadrap pour panser mes plaies les plus voyantes, trouver un médicament pour me sentir mieux, même si tu n'étais pas là. Et Bill était mon remède. Bill aide Wendy, la fille au sentiments handicapés. La fille usée par l'amour, cabossée par la vie. Bill soutient Wendy, celle qu'il détestait dans le passé mais qu'il aime pour ce qu'elle a fait de Tom.
___ Avec Bill, j'aurais refait le monde. Avec toi Tom, j'en aurais crée un nouveau.
___ J'avais imaginé la scène mille fois dans ma tête. Cette scène.
___ D'abord, je me suis vue ne pas venir, rester à la maison et regretter de ne pas avoir fait le trajet, un verre de vodka dans une main et une cigarette dans l'autre.
___ Ensuite, je me suis imaginée être venue, avoir pris les transports en commun et m'être assise en plein dans ton champ de vision, au milieu de ce restaurant. Je me suis imaginée me lever et te sauter au cou au moment où tu aurais croisé mon regard, embrasser tes lèvres comme si c'était la seule chose que j'étais encore capable de faire ; puis repartir comme je suis revenue, le sourire sur le visage, te promettant attente et patience.
___ Et pour finir, je me suis imaginée venir, rester cacher derrière un magazine, scrutant chacun de tes faits et gestes pour ne pas en perdre une seconde. Je me suis imaginée attendre le bon moment pour venir te voir et te sourire d'un sourire qui se voudrait sûrement timide, te serrer dans mes bras de toute la force dont je disposais et te dire qu'une valise m'attendais à côté de ma table. Je me suis imaginée rester.
___ Seulement, rien de tout cela ne s'est produit.
___ Je n'aurai jamais du venir, Tom. Je n'aurais jamais du m'asseoir à cette table. Je n'aurais jamais du prendre ce train, ce taxi et encore moins rentrer dans cet endroit qui me glaçait le sang. Pourtant, j'étais là. Je suis là, à attendre. Je suis là avec cette peur au ventre, une de ces peur qui vous fait sourire, comme si j'attendais que quelque chose arrive sans l'attendre réellement. J'attendais que Bill dirige son regard vers moi, qu'il se concentre sur ma table, sur le magazine que je tenais dans les mains, qu'il plisse les yeux et qu'il comprenne que c'était moi, que j'étais venue. J'attendais qu'il termine de manger, qu'il paye et qu'il remonte dans sa chambre pour redescendre quelques heures plus tard, pour avoir confirmation sur son doute, qu'il me voit une nouvelle fois et qu'il me serre dans ses bras.
___ Alors je ferme les yeux quelques secondes, deux secondes de trop, paraît-il. Je souri faiblement, et je ne te regarde plus Je ne te vois pas remonter dans ta chambre, suivit par Bill. Je ne vois pas également les G² qui vous imitent quelques minutes plus tard. Je me concentre seulement sur le serveur qui vient de renverser un plat, sur la pluie qui vient de se mettre à tomber dehors, ou encore sur le couple qui discute un peu plus loin. Je ne vous ais pas vu, et j'ai raté, par la même occasion, la direction du regard de Bill.
___ Je décide de rester encore un peu, je commande une vodka, puis une seconde, et je ne fais pas attention au temps qui file entre mes doigts. Je ne vois pas l'heure à la pendule accrochée derrière la standardiste. Je reste à cette table. Certains diront que je ne m'y suis pas installée longuement, d'autres penseront le contraire. Pourtant, je suis restée assez longtemps pour le voir redescendre, comme je l'ai espéré un peu avant.
___ Je crois que le sentiment qui m'envahit quand je le vois pour la seconde fois s'appelle de la peur. Et cette peur, qui se veut effrayante mais qui me fait drôlement du bien s'est intensifiée lorsque son premier réflexe est de poser son regard sur moi, de me sourire et de s'approcher. Il commande une boisson au bar et il evient s'asseoir en face de moi, sans rien dire.
- Je sais, je chuchotai, timide.
- Tu n'en avais pas l'intention ?
- Pas vraiment, non.
- Je comprends.
- Dans un sens, je n'avais pas l'intention de l'être, finis-je par dire, baissant la tête, le sourire sur le coin de la bouche.
- Tu crois que c'est bien, ce que l'on fait ?
- De quoi est-ce que tu parles ? Intrigué, il releva un sourcil.
- Je veux dire... J'hésitai. Tu sais, les appels téléphoniques en secret, les cartes postales que tu m'envoies chaque fois que vous changez de ville sans qu'il ne le sache. Et ça.
- Ça ?
- Ce qui est en train de se passer maintenant.
- Oh.
___ Je ne sais pas quoi dire.
- C'est pire que ça.
- Tu as su choisir le seul magazine qui ne présentait aucune photo de nous et dans lequel tu ne trouverais pas un de nos noms écrits.
- Je sais.
___ La pendule affiche une heure tardive et je sens déjà le moment des aux revoir arriver. Un pincement au c½ur survient et je pense que cela s'est vu sur mon visage car Bill vient s'asseoir à côté de moi pour me prendre dans ses bras et me serrer contre lui avec amitié. Je passe mes bras autour de son cou pour pouvoir me blottir un peu plus contre son torse et hume son parfum qui enivre mes narines. Ce parfum que je ne connais que trop bien et qui ne peut me rappeler que toi, Tom. Je me relève, me recule un peu pour pouvoir le regarder une nouvelle fois dans les yeux et c'est sans difficulté que j'arrive à lire dans le regard de mon meilleur ami. Son regard voulait dire que tout irait bien, que le temps passerait vite, et que j'allais bientôt le retrouver et retrouver l'homme qui faisait battre mon c½ur.
___ J'aurai voulu le raccompagner au pas de la porte de sa chambre, le suivre dans les escaliers et passer devant toutes ces portes en me demandant si celle-ci ou bien celle-la pourrait bien être la tienne, Tom. Parier sur une de ces portes et en ouvrir une, au hasard, et t'apercevoir dans un lit aux draps blancs en train de dormir profondément. Mais cela se trouvait impossible, pas dans cette situation. Alors, je me suis simplement levée et c'est lui qui m'a raccompagnée dehors, qui a fumé une dernière cigarette avec moi, qui m'a prêté sa veste pour me réchauffer et qui m'a rassurer une nouvelle fois en me disant de vive-voix :
Pour tout vous dire, je l'ai recommencé un dizaine de fois, je ne sais plus trop ce que je veux écrire. Mes pensées se perdent, je perds mes mots. Peut-être parce que les souvenirs que je veux induire dans mon histoire sont trop lointains. Peut-être parce que je suis vraiment passé à autre chose. Je ne sais pas.
Je ne sais que vous dire. Vous avez le droit d'aimer, de ne pas aimer aussi. Vous avez le droit de me le dire, de me donner des suggestions, de me faire des remarques, des avis construits. Vous avez le droit de me pardonnez pour les petites choses maladroites dans ce chapitre, car c'est peut-être ce que j'étais avant, maladroite. Vous avez le droit de ne pas me pardonnez non plus.
Merci de me faire vivre tout ça, merci pour vos fabuleux commentaires, je prends le temps d'y répondre tout le temps, il me donne le sourire.
Visiteur, Posté le lundi 19 août 2013 11:31
Encore un super chapitre, c'est avec impatience que j'attends la suite :)